Orientation : un rapport parlementaire pointe les difficultés de l’accès à l’enseignement supérieur

C’est une succession de difficultés concernant l’orientation dans le supérieur que mettent en avant les députés Régis Juanico (Loire, Socialistes et apparentés) et Nathalie Sarles (Loire, LREM). Ils publient un rapport, mercredi 22 juillet 2020, dans le cadre de leur mission d’évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur, créé par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale. Il fait suite au rapport sur ce thème de la Cour des Comptes, en février dernier.

Dans ce rapport de plus de 150 pages, la première des trois parties concerne l’orientation (1), que les députés qualifient de “maillon faible de l’accès à l’enseignement supérieur”.

“MANQUE DE LISIBILITÉ”, “INTERVENANTS INSUFFISAMMENT OUTILLÉS”…

Reprenant dans l’ensemble les critiques émises par la Cour des Comptes, les rapporteurs jugent ainsi que “la préparation à l’orientation n’a pas la place effective qu’elle devrait dans le cursus scolaire, son organisation manque de lisibilité et ses nombreux intervenants sont insuffisamment coordonnés et outillés”. Ceci alors que plusieurs réformes ont pourtant “traduit une incontestable prise de conscience de l’importance de l’accompagnement à l’orientation” : création de l’Onisep et du Cereq en 1970 et 1971, loi de refondation de l’école de 2013, loi ORE de 2018… De même, ils rappellent que la Cour des Comptes dénonçait “le peu de traduction financière du renforcement de la politique publique en faveur de l’orientation”.

Nathalie Sarles et Régis Juanico font par exemple état de “difficultés” sur les “54 heures” annuelles normalement dédiées à l’orientation en lycée, ainsi que sur le second professeur principal de terminale. Les premières ne seraient que peu mises en œuvre, notamment car elles ne sont pas fléchées dans les établissements, et l’implication des seconds serait “variable”, quand il n’y a pas de “difficultés à recruter des volontaires”.

NÉCESSITÉ D’UN “MEILLEUR ACCOMPAGNEMENT DES PROFESSEURS PRINCIPAUX”

La réforme du lycée de 2018 reçoit également des critiques de la part des rapporteurs. Bien qu’elle “permette la découverte de nouveaux enseignements”, elle est “génératrice de stress pour les lycéens et leur famille”, en raison d’un choix de matières précoces et du “manque d’informations”. En outre, elle “relativise la notion de classe et donc, possiblement, celle du professeur principal qui a un rôle clef dans l’orientation…”.

Toujours concernant les professeurs principaux, les députés notent que “plusieurs académies ont souligné le besoin d’un meilleur accompagnement des professeurs principaux”. Et de rappeler que le Cnesco jugeait, dans un rapport de 2018, “paradoxale” l’organisation de l’orientation où “les personnels explicitement formés à cette fin et supposés experts en la matière (les psyEN) apparaissent de fait auxiliaires dans le processus d’orientation tel qu’il est décrit par les textes officiels et présenté aux parents, tandis que les enseignants, qui ne reçoivent presque aucune formation spécifique en ce sens, sont les interlocuteurs privilégiés du processus d’orientation et disposent d’un pouvoir explicite d’influence sur les décisions familiales”.

RÉFORME DU PROFESSEUR PRINCIPAL EN COURS

Les députés affirment que la Dgesco réfléchit à “remplacer les professeurs principaux de première et de terminale par des professeurs référents d’élèves chargés de suivre un groupe d’une douzaine d’élèves sur ces deux années, la fixation du nombre plus précis étant laissée à l’appréciation du chef d’établissement”. Le Comité de suivi de la réforme du lycée avait fait une proposition en ce sens. Ceci permettrait, notent les rapporteurs, “un suivi personnalisé des élèves sous la forme d’entretiens individualisés, parfois avec la famille, de rencontres collectives du groupe d’élèves dans le cadre des heures de vie de groupe.” Néanmoins, cette “coexistence a priori des deux missions ne permet pas de rester à coûts constants en termes d’enveloppe indemnitaire”. L’objectif du ministère serait de présenter fin 2020 aux instances concernées les textes relatifs à cette réforme pour une mise en œuvre à la rentrée 2021.

DES “FAIBLESSES” AUTOUR DES CHEFS D’ÉTABLISSEMENT

Les rapporteurs se montrent d’ailleurs aussi critiques vis-à-vis de la politique menée auprès des psyEN : “Leur faible nombre (environ 1 pour 1 500 élèves) ne leur permet pas un suivi de chaque élève dans la construction de son projet alors qu’ils gagneraient à collaborer plus régulièrement avec les équipes éducatives […]. Le rôle des psyEN et leur positionnement au titre de l’accompagnement à l’orientation manquent incontestablement de clarté”.

Ils rappellent en outre les conclusions du Cnesco concernant les chefs d’établissement. L’instance faisait état de plusieurs “faiblesses”, notamment en termes :

  • d’organisation (peu de soutien dans la mise en place du parcours Avenir, notamment) ;
  • de mobilisation et de formation des acteurs
  • d’actions (documentation parfois inexistante, peu de préparation des réunions d’information ou des “forums métiers”…)

DES ACTEURS “NON COORDONNÉS” ET DES DISPOSITIFS “INEFFICACES”

Par ailleurs, les députés estiment que l’intervention des acteurs n’est “pas coordonnée”. Reprenant le rapport Charvet, ils affirment que “des structures (OnisepCIO, services universitaires, Crij…) n’assurent pas toujours une couverture homogène du territoire et s’adressent aux mêmes publics”. Cette organisation qui serait “le fruit de réformes stratifiées dont aucune n’est parvenue à créer un dispositif lisible, cohérent… et efficace”.

Ainsi, l’existence de nombreuses structures “ne peut que constituer un handicap pour l’accès des publics concernés à l’information”. Et, alors que les régions deviennent “des acteurs clés de l’orientation” depuis la loi de 2018, les députés regrettent que, selon la Dgesco, seules “3 conventions ont été signées” avec les rectorats censées définir leurs missions respectives (Centre Val-de-Loire, Normandie, Nouvelle-Aquitaine). “Il semble que les modalités d’intervention des régions dans le processus d’orientation peinent à être précisées et mises en place”, estiment-ils.

Évoquant également les structures d’information, le rapport souhaite “un renforcement des liens entre l’Onisep et les structures impliquées dans l’insertion professionnelle des jeunes, dont Pôle emploi, France Stratégie, la Dares et les branches professionnelles”. Et de proposer que “le réseau Onisep structure son action autour de ses différents canaux et multiplie les partenariats (régions, branches professionnelles, les grands acteurs digitaux privés) afin de déployer des services numériques d’orientation, ainsi que produire des ressources de formation – aujourd’hui quasi inexistante – des professeurs principaux”.

RENDRE OBLIGATOIRES LES 54H, ÉVALUATION DE LA MISE EN ŒUVRE PAR LES RECTEURS…

Les rapporteurs formulent alors plusieurs recommandations concernant l’enseignement scolaire :

  • “inscrire comme obligatoires dans l’emploi du temps des élèves de lycées les 54 heures annuelles consacrées spécifiquement à l’orientation ;
  • charger les recteurs d’académie d’évaluer la mise en œuvre de l’accompagnement à l’orientation dans les établissements ;
  • évaluer les compétences des élèves à s’orienter selon un référentiel construit avec les experts et acteurs de terrain ;
  • généraliser les modules d’accompagnement à l’orientation dans la formation initiale et continue des enseignants ;
  • préparer à l’orientation les élèves dès le collège, par des activités portant sur la connaissance de soi et sur la découverte des filières et des métiers ;
  • dès le collège, communiquer aux élèves et aux familles un récapitulatif des interlocuteurs compétents sur les questions d’orientation (psy-EN, enseignants, ressources Onisep, CIO…), avec les modalités de prise de contact”.

(1) La deuxième est intitulée “L’admission dans l’enseignement supérieur : renforcer la transparence et l’équité de la procédure” ; la troisième “L’arrivée dans l’enseignement supérieur : pour un accompagnement renouvelé”.

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