Projet de loi sur les “principes de la République” : quelles sont les dispositions qui concernent l’Éducation nationale ?

Présenté en Conseil des ministres le 9 décembre 2020, le projet de loi “confortant le respect des principes de la République” concerne à plusieurs égards l’éducation. L’article 21 pose le principe de la scolarisation obligatoire, listant explicitement, comme prévu, 4 motifs permettant le recours à l’instruction en famille. Certains des 51 articles du texte concernent indirectement les établissements scolaires, notamment avec l’extension explicite du principe de neutralité des services public. D’autres ont été insérés à la suite de l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine.


Le 9 décembre 2020, le projet de loi tendant à limiter l’instruction en famille a été présenté en Conseil des ministres Droits réservés – DR

Le projet de loi “confortant le respect des principes de la République” a été présenté en Conseil des ministres le 9 décembre 2020. Le texte, dévoilé 115 ans après la promulgation de la loi de 1905 sur la laïcité, s’organise “autour de deux axes principaux” dont l’un vise “à garantir le respect des lois et principes de la République dans tous les domaines exposés à des risques d’emprise séparatiste”, notamment en matière d’éducation, résume le gouvernement dans un communiqué. Et de rappeler qu’il prévoit notamment de limiter les motifs permettant de recourir à l’instruction en famille (IEF), de la soumettre à autorisation et de renforcer les contrôles de l’État sur les établissements privés hors contrat.

“L’instruction à domicile doit être tout à fait exceptionnelle”, estime Jean-Michel Blanquer, à la sortie du Conseil des ministres. L’enjeu est, selon lui, “de défendre la République et les droits de l’enfant” : “Un enfant mis dans une situation d’endoctrinement est mis dans une situation inacceptable du point de vue de ses droits”.

Listant les nouvelles dispositions relatives au contrôle des enseignants et des financements des établissements scolaires privés hors contrat, le ministre de l’Éducation nationale considère qu’il y a, désormais, “de véritables règles qui encadrent l’ouverture des écoles car l’activité éducative est une activité exigeante qui doit respecter les droits de l’enfant et les valeurs de la République”.

Le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte.

LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉDUCATION

Le chapitre V du projet de loi regroupe les “dispositions relatives à l’éducation et aux sports”. Voici les différentes mesures qu’il comporte :

L’instruction en famille (IEF)
Les principes. Les dispositions concernant l’IEF relèvent de l’article 21 du projet de loi. Celui-ci pose le principe de la scolarisation obligatoire de l’ensemble des enfants soumis à l’obligation d’instruction. “Il ne pourra être dérogé à cette obligation de fréquenter un établissement d’enseignement public ou privé que sur autorisation délivrée par les services académiques, pour des motifs tirés de la situation de l’enfant et définis par la loi”, précise l’exposé du texte.
Cette autorisation, délivrée pour une année au plus, a donc vocation à remplacer la déclaration annuelle actuellement attendue de la part des parents recourant à l’IEF.
Les motifs autorisant l’IEF. S’agissant des motifs ouvrant droit à l’IEF, il est ainsi prévu d’ajouter à l’article L. 131-5 du code de l’éducation, après le 3e alinéa, ceci :”L’autorisation mentionnée au premier alinéa ne peut être accordée que pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées les convictions politiques, philosophiques ou religieuses des personnes qui sont responsables de l’enfant :

  • L’état de santé de l’enfant ou son handicap ;
  • La pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;
  • L’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique d’un établissement scolaire ;
  • L’existence d’une situation particulière propre à l’enfant, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de leur capacité à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.”

“C’est ce respect de l’intérêt supérieur de l’enfant qui sera contrôlé par les rectorats de façon à ce qu’il n’y ait pas de dérives en la matière”, précise Jean-Michel Blanquer.
Entrée en vigueur. Le projet de loi fixe à la rentrée scolaire 2021 l’entrée en vigueur de ces dispositions.

Les établissements hors contrat
Création d’un régime de fermeture administrative. L’article 22 du projet de loi créé un régime de fermeture administrative des établissements d’enseignement privés hors contrat “ainsi que des établissements illégalement ouverts”, précise l’exposé des motifs. Il s’agit de “permettre aux autorités, lorsque sont constatés des dérives ou des manquements graves et réitérés à la réglementation, d’y mettre fin dans les meilleurs délais”.
La procédure. Concrètement, après avis des services académiques, le représentant de l’État dans le département a vocation à pouvoir fermer un établissement privé hors contrat qui n’aurait pas fait l’objet d’une déclaration ad hoc (un établissement dit “clandestin”) ou contreviendrait aux obligations lui incombant au titre du code de l’éducation, et mettre en demeure les parents des enfants accueillis de les inscrire dans un autre établissement scolaire dans un délai de 15 jours.
Jusqu’à présent, la fermeture des établissements suppose que “les autorités saisissent le procureur de la République qui peut, alors, décider d’engager des poursuites contre le directeur” et dont l’issue est incertaine, le juge judiciaire pouvant prononcer une peine de six mois d’emprisonnement, une amende de 15 000 euros ou la fermeture de l’établissement, rappelle l’étude d’impact, associée à l’avant-projet de loi.
Obligation de communication d’informations. Par ailleurs, le projet de loi impose aux établissements privés hors contrat de communiquer, chaque année, “les noms des personnels ainsi que les pièces attestant de leur identité, de leur âge, de leur nationalité et, pour les enseignants, de leurs titres”.
En outre, le texte prévoit la possibilité, pour les autorités de l’État, d’exiger d’un établissement privé hors contrat qu’il fournisse, “dans un délai et selon des modalités précisées par décret, les documents budgétaires, comptables et financiers qui précisent l’origine, le montant et la nature des ressources de l’établissement”.

Les établissements sous contrat
Il est désormais prévu, au niveau législatif et non plus réglementaire, que la passation d’un contrat simple ou d’association avec l’État est subordonnée à la capacité de l’établissement de fournir, selon la nature du contrat, un enseignement conforme ou par références aux programmes de l’enseignement public.

LES DISPOSITIONS INSÉRÉES À LA SUITE DE L’ATTENTAT DE CONFLANS-SAINTE-HONORINE

De plus, certaines dispositions ont été ajoutées au projet de loi, à la suite, notamment, de l’assassinat de Samuel Paty, professeur au collège du Bois d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine.

Délit de “pression séparatiste”. La nouvelle infraction prévue par l’article 4 du projet de loi vise à “mieux protéger les agents chargés du service public en sanctionnant les menaces, les violences ou tout acte d’intimidation exercés à leur encontre dans le but de se soustraire aux règles régissant le fonctionnement d’un service public”. Présentée comme un “délit de pression séparatiste”, cette nouvelle infraction doit permettre de sanctionner les auteurs de pressions exercées sur le service public pour avoir une application différenciée de la loi, expose la Chancellerie.

En outre, l’article 5 étend le dispositif de signalement à la disposition des agents publics qui s’estiment victimes d’un acte de violence et “d’atteintes volontaires à leur intégrité physique”, prévu à l’article 6 quater A de la loi du 13 juillet 1983.

Haine en ligne. Un chapitre complet porte sur le “phénomène de haine en ligne”, créant notamment une “nouvelle incrimination pénale”, décrypte le ministère de la Justice, à propos des articles 18 à 21 du projet de loi.

Ainsi, l’article 18 crée un nouveau délit “de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations”, notamment sur internet, “relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne, permettant de l’identifier ou de la localiser, dans le but d’exposer elle-même ou les membres de sa famille à un risque immédiat d’atteinte à la vie, à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens”, indique l’exposé des motifs.

Il s’agit de “prévenir la commission d’infractions portant atteinte aux personnes et aux biens”, le comportement prohibé étant “donc réprimé indépendamment de l’existence d’un résultat”. “L’infraction ne peut être retenue que s’il est prouvé une intention particulière de l’auteur des faits de porter atteinte à l’intégrité physique ou aux biens de la personne”. En outre, les peines sont aggravées lorsque la personne visée est dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public.

De plus, l’article 20 du projet de loi tend à permettre d’engager des procédures de comparution immédiate à l’encontre des auteurs de commentaires en ligne tendant à provoquer à la haine.

LES DISPOSITIONS CONCERNANT LE MILIEU SCOLAIRE

Par ailleurs, certains articles intéressent, indirectement, le milieu scolaire.

Extension du principe de neutralité. L’article 1er du projet de loi “inscrit dans la loi le principe dégagé par la jurisprudence selon lequel les organismes de droit privé chargés de l’exécution d’un service public sont soumis aux principes de neutralité et laïcité du service public pour les activités qui relèvent de ce champ”, explique l’exposé des motifs. Peuvent, à ce titre, être notamment concernés les agents chargés des cantines scolaires.

Déféré laïcité. L’article 2 créé un déféré-suspension préfectoral “laïcité” permettant au préfet de mettre un terme aux atteintes à la laïcité comme les décisions municipales autorisant les menus confessionnels à la cantine, résume la Chancellerie, lors d’une présentation du projet de loi.

La disposition vise à “renforcer l’efficacité du contrôle juridictionnel des actes des collectivités territoriales qui porteraient gravement atteinte au principe de neutralité du service public en prévoyant que, dans ce cas, lorsque le préfet défère l’acte au tribunal administratif et en demande la suspension provisoire, il est statué sur cette demande de suspension dans un délai de 48 heures, comme tel est le cas pour les actes de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle”, détaille l’exposé des motifs.

Retour aux actualités